Critique : Assassins

Chaque fois que je vois Assassins, je l’apprécie un plus.  Cette reprise somptueusement humoristique au montre la perspective controversée de Stephen Sondheim et John Weidman sur le rêve américain, selon lequel « de temps en temps des chose se tromperont un peu » (“every now and then goes a little wrong”) ; c’est une pièce de théâtre musicale palpitante qui bonifie avec le temps et prend une résonance différente à chaque époque. Après avoir vu cette dernière production au Watermill Theatre, certains spectateurs américains dans l’audience ont dit qu’ils le trouvaient presque cathartique ! 

Dirigé avec brio et rythme par Bill Buckhurst, dont le célèbre Sweeney Todd est passé de Tooting à Shaftesbury Avenue puis à Broadway, et interprété par une équipe exceptionnelle d’acteurs-musiciens, ce Sondheim de 1990, avec un livret génial de Weidman, ne dure que 100 minutes glorieuse sans interruption.

Grâce à la société américaine, captivées de ses flingues, quatre présidents américains ont été tués, Abraham Lincoln en 1865, James Garfield en 1881, William McKinley en 1901 et John F Kennedy en 1963 ; et deux autres, Theodore Roosevelt (1912) et Ronald Reagan ( 1981), ont été blessé dans des tentatives d’assassinat.

Trois autres tueurs potentiels de Richard Nixon et Gerald Ford, qui n’ont pas été aussi loin en raison de leur incompétence, sont intimement mêlés à ce musical audacieux, un morceau de l’histoire américain toujours aussi pertinent.

Cette satire percutante sur une culture des armes à feu a dû rendre son audience off-Broadway mal à l’aise en 1990. Elle ne comptait que 73 représentations et une tentative de la reprendre à Broadway en 2001 a été reportée à 2004 en raison des horreurs du 11 septembre. Rien d’étonnant à ce que beaucoup d’Américains n’aient pas vu le côté amusant d’une bande de tueurs dérangés tels que John Wilkes Booth, Charles Guiteau, Leon Czolgosz et Lee Harvey Oswald.

Assasins n’a pas particulièrement enthousiasmé Londre non plus quand Sam Mendes l’a amenée au Donmar en 1992.  Mais ce musical — avec son idée renversante d’amener tous les scélérats dans le même fuseau horaire, où ils se nourries mutuellement de la folie politique — s’en est beaucoup mieux sorti en 2014 au Menier dans la production troublante mais très appréciée de Jamie Lloyd.

L’habileté de Sondheim, qui marie les styles de musique aux différentes périodes, allant des années 1860 aux années 1980, est sublime : nous passons du pays du banjo à la chanson de gospel « I’m Going to the Lordy », en passant par la joliesse (style Carpenters) de « Unworthy of Your Love ».

Et quels rôles de rêve sont donnés aux acteurs. Eddie Elliott sort le grand jeu, plein d’action et d’électricité dans le rôle délirant de Guiteau, qui se prépare pour la potence après avoir tiré sur le président Garfield pour ne pas avoir fait de lui l’ambassadeur de France.

Dans sa tenue déchirée du père Noël, Steve Simmonds est un superbe Samuel Byck, exhortant follement Leonard Bernstein à composer davantage de chansons d’amour comme « Tonight » pour faire de l’Amérique un meilleur pays. Son plan de détourner un 747 pour l’écraser dans la Maison Blanche et exterminer « Tricky Dicky » Nixon échoue inévitablement, mais l’interprétation cinglante de Simmonds réussi à merveille.

L’interaction tragi-comique entre Evelyn Hoskins dans le rôle de Squeaky Fromme, folle de Charles Manson, et Sara Poyser dans le rôle de Sara Jane Moore, les deux femmes qui foirent chacun à son tour l’assassinat du président Ford en 1975, est une joie à regarder et est véritablement amusante.

En tant que futur tueur de Reagan, Jack Quarton est sinistre, surtout dans le duo avec Hoskins,  « Unworthy of Your Love », d’autant plus sinistre quand on se rappelle que la star de cinéma Jodie Foster, l’objet de son obsession, n’avait que 13 ans quand il s’est fixé sur elle, où plutôt son personnage dans Taxi Driver.  Il espérait attirer l’attention de Foster en éliminant Reagan, mais n’avait que blesser sa cible.  Il a été libéré d’un hôpital psychiatrique il y a seulement trois ans.

De façon inhabituelle, nous avons une femme balladeer avec Lillie Flynn (et pourquoi pas ?), qui suggère dans «The Ballad of Booth» que l’acteur-assassin de Lincoln, parfaitement chanté par Alex Mugnaioni, aurait été conduit à l’acte mortel par des critiques défavorables.

Le pianiste Zheng Xi Yong, qui interprète Giuseppe Zangara, un immigré italien sans un sou qui a tenté de tirer sur le président élu Roosevelt en 1933, mais qui a raté et tué le maire de Chicago à la place, incarne bien ce terrible loser, tout comme Peter Dukes incarne Czolgosz, l’anarchiste polonais électrocuté pour avoir tué McKinley, persuadé que c’était son devoir, car les gouvernements sont l’ennemi des pauvres.

Oswald (joué par Ned Rudkins-Stow), la Propriétaire (par Joey Hickman), et la militante Phoebe Fildes (Emma Goldman), sont bien interprétés ; et Matthew James Hinchliffe, Grace Lancaster, et Simon Oskarsson complètent l’équipe de 15 acteurs qui s’attaquent à Sondheim brillamment. 

Comment sont-ils tous entrés sur la petite scène du Watermill, surtout avec leurs grands instruments ? La chorégraphe Georgina Lamb et le réalisateur Buckhurst ont réussi à résoudre le problème, mais va savoir comment ! 

Assassins n’est pas un Sondheim surchargé de chansons mémorables comme Follies, mais « The Ballad of Guiteau » (mieux connu sous le nom de « I’m Going to the Lordy »), «Unworthy of Your Love», «The Ballad of Booth», et «Everybody’s Got the Right (to be Happy) » (qui commence le spectacle dans son décor de cavalcade — «allez !, tirez sur un président, vous pouvez gagner un prix ! » — une belle création du designer Simon Kenny) sont riches et du haut qualité.

Cette célébration tordue du rêve américain, « où n’importe quel garçon peut grandir pour tuer un président » (c’est un jeune garçon braquant le revolver sur le public qui constitue l’image finale du spectacle) est également une célébration du théâtre musical. A ne pas manquer lors de son transfert à Nottingham du 30 octobre au 16 novembre. 

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